Intervention de Jean-Pierre Chevènement devant l’Académie des Sciences morales et
politiques.
Les « révolutions arabes » ont surpris. Elles ont été saluées, dès le départ, avec d’autant
plus de ferveur par l’opinion publique occidentale que celle-ci ne les avait pas vu venir.
L’enthousiasme qu’elles ont, d’emblée, suscité plonge ses racines dans une certaine mauvaise conscience, celle d’une trop longue tolérance à l’égard de régimes autoritaires et corrompus, vus
comme un moindre mal pour des peuples considérés comme trop arriérés pour accéder à la démocratie. Or, brusquement, ces sociétés se réveillaient. Leur développement entrait en contradiction
avec des régimes qui accaparaient le pouvoir depuis trop longtemps et dont la légitimité s’était érodée au fil du temps. Une vision quelque peu euphorisante s’est alors développée, celle d’un
« printemps arabe » surgi au cœur de l’hiver 2011. À travers lui, les peuples arabes allaient rejoindre un mouvement universel vers la démocratie qu’avaient parcouru avant eux
d’autres peuples, ceux d’Amérique latine, d’Europe du Sud puis de l’Est, après la chute du Mur de Berlin, voire d’Afrique.
Vision idéalisante, à coup sûr, car beaucoup de ces peuples avaient déjà connu la démocratie. Pour l’essentiel, les « révolutions arabes » entendent non pas « restaurer »,
mais « instaur