http://revolution-francaise.net/2013/02/05/518-les-anti-lumieres-contre-la-republique
Ce texte de Jérémy Mercier présente le dossier de la revue Humanisme, n°297 (octobre 2012), consacré aux Anti-Lumières :
Dès le XVIIIe siècle, au nom du catholicisme, de la monarchie et de la contre-révolution, une guerre fut menée contre les valeurs des Lumières « franco-kantiennes » ayant préparé idéologiquement la Révolution française. Aujourd’hui, au moment même où les concepts de raison, de citoyenneté, de souveraineté populaire, de laïcité et de Nation volent en éclats sur l’autel de la mondialisation et du néolibéralisme, sans parler des dérives fondamentalistes religieuses, cette même guerre continue. Pire, elle s’amplifie tandis que l’espace public tend à se réduire à une sphère de spectacle et d’obscénité, attaquant méthodiquement les constructions politiques et philosophiques de l’Aufklärung. Tandis que les Lumières « franco-kantiennes », dont nous parle Zeev Sternhell, promouvaient la sortie de l’homme de son état de minorité et le combat contre l’ordre existant, ainsi que l’esprit critique, l’instruction publique, l’égalité des droits et l’égalité entre hommes et femmes, la tolérance, la démocratie et l’universalité humaine, le courant des anti-Lumières se développait, refusant tout à la fois ces valeurs et l’émancipation de l’humanité, la critique de l’esclavage, du colonialisme ; or, la République signifiait depuis Rousseau et Robespierre à la fois la démocratie et la justice sociale. Burke et Herder, Joseph de Maistre, de Bonald, Taine furent notamment, en Europe, les tenants d’un tel courant anti-humaniste et anti-jacobin, en menant une guerre acharnée contre les fondements et le legs des Lumières au nom de la toute puissance de l’Église, de la monarchie qui se fondent sur l’inégalité des droits.
Maurice Barrès, Charles Maurras ou encore Spengler, Heidegger et Carl Schmitt furent, plus tard, les
continuateurs européens d’une telle lutte contre l’autonomie du sujet, le rationalisme, l’éminence des droits de l’homme, la tolérance et l’attention à l’humanité. Le noyau commun des
anti-Lumières, du XVIIIe siècle à nos jours, consiste en effet à liquider la liberté de l’individu et le pluralisme des valeurs démocratiques, tout en exaltant l’anti-jacobinisme et la
violence. Mussolini, Hitler, Franco comme Pétain purent, à ce titre, se réclamer de telles valeurs anti-Lumières, en promouvant un renversement conservateuraboutissant à la destruction d’une
partie de l’humanité. Joseph de Maistre avait pu déjà théoriser ce renversement en souhaitant que « la contre-Révolution ne soit pas une révolution contraire mais le contraire de la
Révolution ». C’est précisément dans la contre-Révolution que se place le projet des anti-Lumières.
Mais leur hostilité de principe à la démocratie, à la res publica, au suffrage universel et aux droits
sociaux, comme à la laïcité de l’État, n’est malheureusement pas en recul de nos jours. Au contraire, il semblerait que les idées des anti-Lumières se développent plus qu’il n’y paraît.
Prendra-t-on l’exemple d’un récent débat problématique sur l’identité nationale en France pour se convaincre de l’omniprésence de leurs thèses « identitaires », en rupture totale avec
les Déclarations des droits de l’homme ? Pensera-t-on plutôt à l’émergence dangereuse des néofascismes et aux succ