Sous des formes très diverses – du carnage au jet de chaussure en passant par le sabotage de voies ferrées et la fusillade ciblée –, l’attentat rythme notre actualité politique. Souvent englobé dans la catégorie pourtant récente et polémique du « terrorisme », l’attentat politique est en général présenté comme une des réalités qui, dans l’histoire, distinguent plus particulièrement notre époque. Ce numéro propose de s’interroger sur l’histoire et l’historicité de ce phénomène en réalité très ancien, mais qui marque de son empreinte notre modernité politique et médiatique.
Sans ignorer la spécificité d’une violence « aveugle » ou « totale » peut-être propre au monde contemporain, mais sans s’enfermer non plus dans la notion trompeuse du « terrorisme », il nous a semblé important d’interroger dans le long terme les pratiques du meurtre politique, des techniques d’intimidation, des politiques de la peur et des tactiques de la terreur. Les attentats sont-ils nés, comme on le dit souvent, à la faveur du mouvement anarchiste de la fin du XIXe siècle ? Notre époque est-elle la seule à vivre sous le « régime de l’attentat » ? Les attentats sont-ils réductibles à l’assassinat politique ? La notion de « terrorisme » est-elle utile pour mieux comprendre le rôle des attentats dans l’histoire politique, sociale et culturelle du monde contemporain, ou égare-t-elle plutôt qu’elle n’éclaire ? À partir de quelles conditions un geste violent prend-il la dimension d’« attentat » ? Comment est-il possible de différencier l’ « attentat » de l’ « insulte », de l’ « intimidation », de la « conspiration », de la « conjuration » ou du « complot » ? Souvent prisonniers du très court terme et des peurs qu’ils inspirent, les attentats posent des questions qui méritent, pour être comprises dans leur complexité, d’être arrachées à l’actualité la plus brûlante, aux fantasmes auxquels ils sont associés, pour être interrogés à la lumière de leurs contextes historiques.
Ce numéro rassemble une partie des communications présentées lors d’une journée d’étude et d’un colloque, co-organisés en 2009 et en 2010