Barnes Wallis est en ce matin du 17 mai 1943, un ingénieur heureux. Le concepteur de la bombe à roulement qui vient de montrer son efficacité contre les barrages de Ruhr au cours de la nuit écoulée, a démontré à ceux qui en doutaient encore que cette arme qui ricoche d’abord à la surface de l’eau avant de sombrer devant sa cible puis de déclencher une puissante explosion est fiable.
Il est vrai que les premiers essais qui avaient été opérés au Royaume-Uni étaient décevants mais le
fait d’équiper la bombe d’un propulseur qui la dirige vers sa cible lorsqu’elle est larguée a corrigé son défaut. Elle est désormais considérée comme une arme redoutable d’autant qu’on peut
encore la perfectionner. Dans la nuit du 16 au 17 mai 1943, les dix-neuf Lancaster qui ont décollé du terrain de Scampton et ont volé à très basse altitude pour éviter la Flak ennemie
transportent cette bombe révolutionnaire destinée à éventrer des barrages.
La première vague des appareils de la RAF a comme cible les grands barrages situés sur la Möhne, l’Eder
et la Sorpe. A bord de chaque bombardier, l’opérateur-radio est chargé du déclenchement des stabilisateurs des bombes de cinq tonnes. A 18 mètres d’altitude, la bombe est lâchée. Elle décrit
alors une trajectoire dont l’angle d’incidence avec la surface de l’eau est des plus faibles. La bombe rebondit ainsi et s’enfonce dans l’eau avant de toucher le tablier du barrage. La pression
de l’eau déclenche le détonateur. C’est ainsi que la muraille de béton est perforée et que la brèche s’ouvre et s’élargit sous la pression des milliers de mètres cubes d’eau qui étaient retenus
en amont.
Ces frappes interrompent la production électrique qui alimente des usines d’armement. En outre les deux
principales rivières dont les barrages son endommagés alimentaient aussi en eau potable plus de quatre millions d’Allemands. Les perturbations provoquées par ce bombardement portent alors sur
75 % de la production électrique de la Ruhr.
Le raid entraîne d’importantes inondations ainsi que la destruction de routes et voies ferrées. Dans la
journée on va dénombrer plus d’un millier de victimes, noyées par la vague qui a traversé de nombreux bourgs et villages. Le ministre de l’Armement du Reich, Albert Speer décide la mobilisation
de sept mille ouvriers dont certains déjà affecté à la construction du mur de l’Atlantique