Troyes, le 6 mai 2015
A l’attention de Monsieur Marc Sebeyran, mairie de Troyes.
Objet : Maison Doré
Monsieur,
Ayant constaté qu’enfin la ville s’était décidée à remettre les drapeaux tricolores sur la maison Doré, il m’importe de vous écrire. Cela me permettra également de vous communiquer les commentaires et réactions des membres de l’association DSP que je préside. J’y adjoins aussi des réactions externes au groupe.
De prime abord certain s’étonnent, à juste titre, du fort long temps mis par la commune pour replacer les drapeaux tricolores.
A ceux là, j’ai fait savoir qu’à l’avenir cela nous ferait faire des économies et que, peut être, ces drapeaux municipaux ne seraient pas cisaillés avant d’être volés.
D’autres s’offusquent, on ne peut que les comprendre, de voir disparaître souvent les fleurs déposées chaque semaine par nos soins devant la maison Doré, alors même que les gerbes municipales sont respectées. La ville de Troyes est-elle obligée de tant économiser au point de ne pas honorer cette maison où tant ont souffert pour notre liberté ? Des économies sur les sommes allouées aux membres des commissions municipales permettraient de trouver de quoi fleurir. Dans notre ruralité auboise, les membres de ces commissions y participent gracieusement.
Des tiers m’ont évoqué nos affichages protégeant les murs de la pluie. A ceux là, j’ai également précisé que nos études historiques furent effectuées bénévolement, prouvant que le conservatoire (32 boulevard Gambetta) de musique, dirigé par Amable Massis y logeant avait été occupé par la Gestapo. Cette dernière y avait pratiqué la torture, au moins jusqu’en septembre 1943. Notre étude historique que l’on pourrait chiffrer à près de six mille euros (HT), est un cadeau à la ville. C’est tout autant une information à porter à la connaissance des troyens.
En ce qui concerne la stèle dont m’a parlé votre technicien municipal, il apparaît qu’elle devrait au moins porter les deux adresses où sévissaient les tortionnaires : 32 et 34 boulevard Gambetta. Faute de quoi, le visiteur serait porté à croire, ce à juste titre, que la torture se pratiquait à tout va sur le boulevard, entre deux rencontres avec les dames y tapinant.
Et puis, avouez le, quelle imbécillité d’y occulter les juifs de tous âges ayant souffert dans ce conservatoire. C’est d’autant plus grave que certains d’entre eux, mélomanes, avant guerre avaient participé à la réalisation de cette salle léguée gracieusement à la ville.
Enfin, que veut faire notre cité, pas encore au patrimoine mondial de l’UNESCO, de la Maison Doré que Troyes a laissé se dégrader au point d’en imposer la fermeture. J’attends toujours réponse sur ce point à mon dernier courrier du 31 mars 2015. Cette incurie chronique va t-elle perdurer au point de nécessiter la prise d’un arrêté de péril pour ce lieu ?
Monsieur Sebeyran, quand la mort en son temps vous aura fauché, certains peut-être proposeront votre nom pour une place ou une rue dans la cité. Faites en sorte que des détracteurs, esprits chagrins, ne puissent ternir cette noble idée au motif qu’une délégation de pouvoir avait mal été assumée par un chef de service.
Amable Massis n’a pas encore son conservatoire, mais vous auriez votre rue. Quelle gloire posthume!
Recevez, Monsieur, l’expression de ma plus haute considération.
Pierre Benoit