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De la contestation de l'école aux écoles de la contestation
Alors que le nouveau gouvernement multiplie les appels incantatoires à une "refondation de l'école", il est bon de revenir sur la contradiction fondamentale qui travaille les systèmes éducatifs des sociétés capitalistes, et plus précisément ici revenir sur l'histoire de l'école française qui, pour avoir rompu formellemement avec une "école de Jules Ferry" profondément inégalitaire (du point de vue de la classe comme du genre) et violemment nationaliste, n'est pas pour autant devenue une école de l'émancipation.
C'est ce que propose ici Grégory Chambat, enseignant en collège et membre du comité de rédaction de la revue N'Autre école. Il est également l'auteur de Apprendre à désobéir, petitehistoire de l'école qui résiste (CNT-RP éditions, mai 2012) et Pédagogie et révolution, questions de classes et relecture pédagogique (éditions Libertalia, octobre 2011).
Entre émancipation et domination1, la question scolaire comme la pédagogie s'enracinent dans un projet social. Il y a bien deux manières opposées – et définitivement inconciliables – d'éduquer et d'enseigner.
Aussi, face au modèle éducatif et pédagogique officiel, les dominés n'ont-ils jamais ménagé leurs efforts pour imaginer et mettre en pratique une autre éducation.
Cette résistance a façonné l'histoire de l'école – et de sa contestation -, au travers de combats menés hors du système mais aussi en son sein. « L'institution, écrit Edwy Plenel dansLa République inachevée, est en elle-même un champ de luttes, parce que des demandes contradictoires s'y affrontent et, surtout, parce que l'école n'est pas dans un rapport d'instrumentalisation directe par la classe dominante2. »
Mais ces subversions ne restent possibles – et compréhensibles – que seulement, et seulement si, on s'efforce de démonter les mécanismes de certains mythes fondateurs, à commencer par celui de l'école de Jules Ferry, plutôt que d'en célébrer la mémoire...
Ferry et les mythes de l'école républicaine
En quête d'un thème fédérateur, emblématique des « valeurs de gauche », le candidat socialiste à la dernière élection présidentielle prétendait faire de l'éducation sa priorité.
Réduit aux seules – bien que nécessaires – questions des effectifs ou des rythmes scolaires, son projet n'a su (ou n'a pas voulu ?) afficher d'autres ambitions que celles d'aménager le système, sans réelle rupture avec l'héritage d'une école de la reproduction sociale.
Et, en plaçant sa cérémonie d'investiture sous l'ambigu patronage de Jules Ferry, le nouveau président a finalement conforté cette orientation au prix d'une inquiétante amnésie historique.
Ordre colonial, ordre social
Père de l'école républicaine, Jules Ferry est aussi un symbole de ce colonialisme français aux relents racistes : « Il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures. (...) Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. […] De nos jours, je soutiens que les nations européennes s'acquittent avec largeur, grandeur et honnêteté de ce devoir supérieur de