Vigie de la mémoire de la Résistance, Jean-Louis Crémieux-Brilhac a exprimé dans une tribune (Le Monde, daté 23-24 juin) son hostilité quasi viscérale pour mon livre L'Homme aux deux visages. Le respect qu'appellent sa vie et son oeuvre ne m'interdit pas de trouver son réquisitoire émotif et injuste.
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Premier grief : une couverture jouant sur l'analogie entre Jean Moulin et René Bousquet. Mais tel est le mystère humain que j'évoque. La ressemblancephysique des deux hommes est une métaphore de leurs similitudes : même milieu radical, républicain, franc-maçon ; même carrière ; même ambition technocratique. Comment, à partir de ce tronc commun, devient-on un héros ou un salaud ? Ce n'est pas faire injure à Jean Moulin que de penser qu'il n'est pas né héros mais l'est devenu.
Deuxième grief : avoir osé affirmer que, dans sa jeunesse et ses premières années, Moulin n'était ni un étudiant éblouissant, ni un jeune haut fonctionnaire hors norme, mais un sous-préfet ambitieux. Une vie se construit et il est plus fascinant de voir le sous-préfet mondain de Savoie devenir Jean Moulin que d'inventer les prémices, dès l'adolescence, de l'héroïsme.
Troisième grief, le plus sérieux : Jean-Louis Crémieux-Brilhac trouve inique de s'interroger sur les quelques mois entre juin et novembre 1940 pendant lesquels Moulin a été un préfet de Vichy. "Préfet sous Vichy", dit mon contempteur. Aux yeux du Feldkommandant avec lequel Je