Par Jacques de Saint Victor
Plusieurs livres reviennent sur la période complexe de la Résistance. L'historien Jean-Pierre Azéma les décrypte. Entretien avec ce professeur émérite des universités, historien éminent de la Résistance, biographe de Jean Moulin.
Le Figaro littéraire.- Le 27 mai, ce sera le soixante-dixième anniversaire de la première réunion, sous la houlette de Jean Moulin, du Conseil national de la Résistance. Pourquoi est-ce selon vous une étape décisive dans la Résistance?
Jean-Pierre Azéma. - C'est la première réunion, dans toute l'Europe occupée, de représentants de mouvements de résistance (ils sont dix), de partis politiques (ils sont six, la Fédération républicaine, l'Alliance démocratique, la Démocratie chrétienne, le Parti radical, le Parti socialiste et le Parti communiste français) et de deux centrales syndicales ouvrières, la CGT et la CFTC. Présidée par Jean Moulin, elle vota une motion qui affirmait qu'il revenait au général de Gaulle de présider le gouvernement provisoire qui se mettrait en place à Alger et accordait au général Giraud le commandement des forces militaires. De Gaulle pourra, quelques semaines plus tard, tirer de cette reconnaissance sa primauté politique. Cela dit, ce qu'on doit retenir c'est que, représentatif de presque tous les partis politiques, et d'une bonne part des mouvements de résistance, ce qui allait devenir le CNR créait une fédération des forces de la Résistance intérieure qui devait empêcher son éclatement. De Gaulle écrira plus tard «sans le CNR, il n'y aurait pas eu une Résistance, il y aurait des résistances». Ajoutons que cette réunion, qui réalisait précocement une unification politique, allait éviter des dérives qui auraient pu mener à la guerre civile, comme ce qui s'est produit dans d'autres pays, notamment dans les Balkans.