Le dernier ouvrage du sociologue et politologue Pierre-André Taguieff intitulé « Court traité de complotologie » fait l’objet d’une critique sur le site Conseil Représentatif des Institutions juives de France (CRIF).
»Court traité de complotologie » est une analyse sociologique et historique de(s) théorie(s) du complot et notamment du fameux complot judéo-maçonnique !
Pierre-André Taguieff est philosophe, historien des idées et politologue, rattaché au Centre d’études politiques de Sciences Po (Paris).
Extrait relatif au Complot judéo-maçonnique, une théorie virale mutante
La deuxième partie de ce court traité, ou plus exactement, le deuxième livre porte exclusivement sur le complot judéo-maçonnique, son histoire, sa construction et son « enrichissement » au fil des siècles. On a l’impression qu’il décrit l’évolution d’un poison ou d’un virus. Pas très dangereux au début, il ne cesse de renforcer son efficacité jusqu’à la Shoah. Pour autant, il y a une vie de ce virus après la Shoah. Plus subtile, mais pas moins efficace que dans les années 30.
Taguieff traque toutes les récupérations de la théorie du complot judéo-maçonnique, son caractère de mutant. Cette théorie mute pour survivre. Le complot judéo-maçonnique a l’avantage d’être malléable à l’excès. Il passe de mains en mains pour être incorporé à l’idéologie d’étagère qui l’attend pour s’enfler. Il est né dans les rangs contre-révolutionnaires de ceux qui désemparés face au violent changement de société cherchaient des responsables à cette mise en œuvre diabolique. Les francs-maçons ont spontanément été ciblés du fait de leur pratique du secret et des idées qu’ils véhiculaient. Comme il fallait mettre tous les ennemis de l’ancien régime et du roi dans un même sac, les Juifs ont été convoqués et sommés de s’unir avec les francs-maçons.
Le trait d’union dans le texte reste d’ailleurs la petite marque de fabrication du rédacteur conspirationniste. Pierre-André Taguieff explique après le lent processus de développement du complot judéo-maçonnique dans l’esprit occidental. Tout au long du XIXème siècle, à force d’écrits riches en style et en détail, en créativité également, puisque c’est à cette époque que l’on produit le faux « protocole des sages de Sion », la droite nationaliste naissante se fonde sur le combat acharné du complot judéo-maçonnique en fusionnant d’ailleurs les deux figures stéréotypées du juif et du franc-maçon. Cette voie va engendrer les nihilismes d’extrême droite que nous connaissons tous et