J'avais acheté ce livre en allant visiter le Panthéon, et l'avais oublié dans ma bibliothèque jusqu'à ce que la lecture de Alias Caracalla le rappelle à mon souvenir.
Il s'agit d'un récit, par Jean Moulin, des quatre derniers jours des combats français, du 14 au 18 juin 1940.
On y lit le récit des quelques jours et heures avant l'arrivée des allemands à Chartres, puis celui de leur installation. C'est sobre et factuel et ça se lit d'une seule traite.
On a presque envie de conceptualiser une banalité du bien, symétrique de la banalité du mal. Le bien consiste juste pour un préfet à être en poste quand tous sont partis, à veiller à ce que quelqu'un continue à fabriquer du pain, à assurer le couchage de réfugiés venus en nombre transiter à Chartres en route vers le sud...
On se remémore, en le lisant, les interrogations de Marc Bloch sur les causes de la défaite. L'armée n'a-t-elle pas trahi ? Par deux fois Jean Moulin croise des groupes de soldats prêts à en découdre mais désespérés de devoir sans cesse reculer sans jamais combattre.
On lit aussi le récit de quelques exactions de l'armée allemande - une femme de 83 ans fusillée sous les yeux de sa fille pour avoir protesté contre l'occupation de sa maison. On se rappelle la phrase de Jean-Marie le Pen qui trouvât l'occupation allemande "correcte", et on se convainc à jamais, s'il est nécessaire, que cet homme et son parti sont inspirés de doctrines intolérables.
Un dialogue presque surréaliste montre à quel point le combat était, dès juin 1940, idéologique.
Quelques nazis entendent faire signer à Jean Moulin une déclaration attestant que des tirailleurs sénégalais ont assassiné une famille (tuée, en réalité, par des bombardements) :
Jean Moulin : Quelles preuves avez-vous que les tirailleurs sénégalais sont passés exactement à l'endroit où vous avez découvert les cadavres ?
Le nazi : on a retrouvé du matériel abandonné par eux.
Jean Moulin : Je veux bien le croire. Mais en admettant que des troupes noires soient passées par là, comment arrivez-vous à prouver leur culpabilité ?
Le nazi : Aucun doute à ce sujet. Les victimes ont été examinées par des spécialistes allemands. Les violences qu'elles ont subies offrent tout