(critique de Mathilde Penchinat), Le Lucernaire à Paris
Combat intérieur
Christian Fregnet a adapté sur la scène du Lucernaire un manuscrit de Jean Moulin, figure emblématique de la Résistance. Si « Premier combat » raconte l’arrivée des Allemands à Chartres en juin 1940, le metteur en scène a choisi de mêler sa propre imagination aux faits historiques. Malgré un agencement parfois confus des évènements, la pièce est convaincante.
« Premier combat » | © Tita Montserrat
18 juin 1940. Jean Moulin, alors préfet de Chartres, se retrouve enfermé dans une cellule pour avoir refusé de signer une déclaration allemande accusant les tirailleurs sénégalais d’avoir massacré des femmes et des enfants. Au vu de son « amour pour les nègres », les Allemands décident de l’enfermer avec un Sénégalais. Partagé entre la peur d’être à nouveau torturé et celle d’être complice d’un acte infâmant, le préfet préfère se trancher la gorge.
Mais revenons quelques jours plus tôt, propose Christian Fregnet, se fondant toujours sur les faits relatés par Jean Moulin. Un tintement, suivi de l’inscription « 15 juin 1940 » projetée sur le fond de la scène, marque ce retour en arrière. À l’instar de son pouvoir d’ubiquité et d’intemporalité, le metteur en scène détient celui de se substituer au Créateur. Christian Fregnet a décidé de donner corps à ses fantasmes, en imaginant une interaction entre les deux détenus.
Confiné dans une cellule figurée par un immense grillage au premier plan, Jean Moulin raconte avec force détails la prise de Chartres par les nazis. À ses côtés, le Sénégalais, occupé à plier soigneusement sa couverture et à ranger sa gamelle, y va de ses commentaires. Tandis que le préfet raconte horrifié le meurtre d’une vieille femme fusillée contre un arbre, le tirailleur surenchérit avec le récit d’une petite fille obligée de creuser une tombe, face au cadavre de sa grand-mère. Sans véritable di