par Serge Bianchi, Université de Rennes II
Du mercredi 21 mars au vendredi 23 mars s’est tenu, entre le musée de la Révolution française de
Vizille et l’Université Stendhal de Grenoble, un colloque « international et interdisciplinaire » au titre aussi ambitieux que fascinant : "Mythologies contemporaines :
Révolution française et cultures populaires dans le monde aujourd’hui".
Les objectifs des organisateurs, Martial Poirson (1) et Alain Chevalier (2), relèvent d’un pari novateur et assumé qui ne va pas de soi, avant la tenue de cette manifestation. Il s’agit, selon eux, de conduire une « histoire sociale et culturelle de
l’imaginaire révolutionnaire contemporain », en analysant dans les « cultures étrangères et aires géographiques les plus diverses », les « réappropriations et
détournements » des mythes de la Révolution française par les « cultures populaires » et « leurs relais médiatiques de masse ».
Des historiens, des sociologues, des littéraires, des historiens de l’art sont convoqués, comme témoins des représentations contemporaines d’une Révolution affranchie des références et du devoir d’histoire scientifique de colloques traditionnels, telles que ces représentations se manifestent dans les écrits, les supports, les objets de consommation d’une culture de masse au quotidien, d’une « opinion commune stéréotypée », d’une « conscience collective » diffuse, de phénomènes de mode sans commune mesure avec les expressions d’une « culture savante » de cette Révolution. De ce choc inédit entre deux cultures, des sélections mémorielles et instrumentalisées autour des mythes révolutionnaires, les organisateurs espèrent mettre en lumière des enjeux idéologiques et économiques majeurs de notre époque et fonder la légitimité scientifique de l’analyse d’imaginaires collectifs, quelles que soient les « idées fausses » que ceux-ci véhiculent en s’affranchissant de « l’histoire officielle ». On peut imaginer d’emblée les tensions et les clivages susceptibles d’être générés par ces relectures « populaires » d’une Révolution qui « a fécondé l’Histoire » (3) chez ses historiens « classiques ». Le moins que l’on puisse écrire, au terme de ces journées studieuses, est que le choc espéré a bien eu lieu, et que le pari initial a suscité des révélations et des débats passionnés, d’une acuité intellectuelle impressionnante. L’auteur de ces lignes propose un essai de synthèse « à chaud », qui ne rendra compte que partiellement de la richesse et de la qualité d’une trentaine de communications, dont la publication est prévue dans moins d’un an, comme accompagnement de l’exposition sur le même thème au musée de Vizille, à l’été 2013.
Une Révolution française détournée, fantasmée, stéréotypée
Entrant, par touches successives, dans les « cultures populaires » et leurs médiations, les historiens professionnels risquent de sortir désorientés, frustrés et accablés d’un constat implacable,