NDLR : un grand merci à notre ami Gilles Moreaux qui bien voulu nous apporter son témoignage et se faire le chroniqueur d'un soir du Cercle Jean Moulin.
Il était près de 21 h lorsque comme de nombreux français je vivais en direct la décision de la cours de justice Mexicaine. Je dois avouer que je ne pouvais imaginer cette décision et c'est avec émotion, que j'écoutais le président déclarer "amparo directo con liberacion immédiat". A ces mots je savais que tout allait se terminer pour Florence, son histoire avec la justice mexicaine était terminée.
J'ai connu Florence, du moins son histoire, lorsque j'étais moi-même en prison à Puebla dan ce même pays ;suite à ma demande faite contre le ministère public pour torture physique, mon affaire avait attiré des journalistes . L'une d'entre eux,Anne Vigna me fit passer son livre "Peines Mexicaines". Dans cet ouvrage elle retraçait les histoires de nombreux cas d'injustice au Mexique et notamment celui de Florence Cassez. Rapidement par journalistes interposés, nous apprîmes à nous connaître. Certes elle était condamnée à 60 ans, ce qui n'était pas mon cas, mais la douleur de l'injustice nous donnait des points communs. Nous décidâmes de ne pas mêler les deux affaires car les lignes de défense étaient différentes. Je compris rapidement que faire la "une" des journaux était important ,mais se taire et faire silence allait assurer ma liberté.
Mes 11 mois de détention inhumaine m'ont permis de comprendre beaucoup de chose et jusqu'à ces quelques lignes j'ai toujours décidé de me taire. Anne, ainsi que que Téodore seront les seules à suivre mes pas hors de la prison. Quelques jours après ma sortie, je rencontrais Florence Cassez dans sa prison pour des moments particuliers qui resterons secrets. Le plus intense reste mon départ de la prison. Pour la première fois je disais "au revoir" mais c'était moi qui sortait de ce lieu de tourment. Je visitais plusieurs fois Florence avant mon retour pour la France.
Je pense être un des seuls, peut- être le seul à comprendre et imaginer ses sentiments lorsqu'elle a appris sa libération. Il est très difficile de l'expliquer car c'est un mélange de" joie, de peine et de vide." Sept années sans pouvoir marcher libre, sans pouvoir acheter un pain au chocolat et boire un verre de vin. Je suis certain que ce qu'elle désire le plus ardemment est de redevenir une personne comme vous et moi.
Bien sur, les commentateurs ne manqueront pas de la questionner pour savoir :" êtes vous vraiment innocente ? " Cet oeil de Caîn la suivra jusqu'à la fin de sa vie et peut être au delà. Pour ma part, je me réjouis de la voir rentrer chez elle et j'imagine le doux plaisir de sa mère :tenir à nouveau sa fille dans ses bras.
Pourtant derrière mon écran, je ne peux oublier les crimes commis par cette bande, les milliers de mexicains torturés dans les prisons mexicaines, non plus les centaines de français oubliés par nos consulats. Aussi je reste triste de voir les médias donner tant d'intérêt seulement à "ce cas", et oublier les autres. C'est pour cela que je suis resté dans le silence par respect pour eux et par honte, moi à l'extérieur et eux toujours prisonniers .
De plus notre monde change ,et mon histoire qui ne reste comme celui de Florence ,qu'un fait divers ,est bien moins important comparé aux millions de nos compatriotes qui luttent pour donner à manger à leurs enfants. Notre société n'est elle pas en train de se perdre ? Ma lutte après mon histoire ,je préfère la dédier dans le silence à mon pays.
Tout comme toi Florence, nous ne pourrons jamais oublier l'envie de fermer les yeux lorsque tout semble contre nous, mais pour toi , j'espère que le pouvoir que te donnent les médias te servira pour une cause juste.
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