Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Cercle Jean Moulin ®

Cercle Jean Moulin ®

Co-Président d'Honneur Daniel Cordier, Secrétaire Particulier de Jean Moulin, Hubert Faure, membre des 177 du Commando Kieffer, membre d'Honneur Suzanne Escoffier, petite cousine et filleule de Jean Moulin Association Mémorielle Patriotique et Républicaine. cercle.jean.moulin71@sfr.fr 07 81 34 85 48


Retour sur la journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation à Chalon-sur-Saône avec Grégory Baudouin, Président du Cercle Jean Moulin & porte drapeau de la FNDIRP (PJ allocutiçon de Gilles Platret, Maire de Chalon sur saône)

Publié par via le Cercle Jean Moulin sur 26 Avril 2022, 13:55pm

Catégories : #Mémoire, #Mémoire de la Déportation, #camp d'extermination, #camp de concentration, #camp d'internement, #Mémoire de La Résistance et de la Déportation, #Mémoire de l'Internement, #Mémoire de la Résistance, #commémoration, #Cercle Jean Moulin, #Grégory Baudouin

Journée nationale du Souvenir de la Déportation

Vendredi 22 avril 2022

 

Message de Gilles Platret

 

 

 

 

Depuis tant d’années, au pied de ce monument du souvenir, nous nous retrouvons -et d’autres avant nous- pour faire vivre une mémoire. Celle d’actes de guerre défiant toutes les lois de l’humanité : le déplacement forcé de centaines de milliers de femmes et d’hommes conçu tantôt comme un châtiment sans horizon tantôt comme un moyen définitif de les retrancher du monde des vivants.

 

Nous avons souvent dit ici que le secteur de Chalon et du Chalonnais devaient fournir hélas un bien lourd tribut à la machine infernale de la déportation allemande.

 

Que nous soyons devenus en juillet 1940 une zone frontière entre deux Frances, l’une directement occupée par la Wehrmacht, la seconde administrée par un régime né du déshonneur de l’armistice et définitivement vautré dans le déshonneur de la Collaboration, entraîna un certain nombre de conséquences redoutables.

 

Ce fut d’abord l’accumulation ici de troupes occupantes nombreuses, destinées à surveiller la ligne de démarcation, dont le degré d’ouverture et de fermeture, sans cesse changeant, a, jusqu’à sa suppression en mars 1943, constitué un constant moyen de pression sur le régime de Pétain.

 

Ce fut ensuite le développement, dès l’été 1940, d’actes d’authentique Résistance, dès lors qu’allaient immédiatement s’organiser des filières de passage clandestin de la ligne. On résista chez nous plus tôt qu’ailleurs et cette habitude bientôt prise de l’illégalité à la barbe de l’Allemand ne fut pas sans lien avec le développement d’autres réseaux, armés ceux-ci, un peu plus tard dans le cours de la guerre.

 

Ce fut enfin, parce que cette frontière, certes poreuse, restait puissamment surveillée, des arrestations en nombre dès lors que le passage clandestin tournait mal. Il faut lire les rapports de surveillance de la ligne pour réaliser le drame qui s’y joua : des juifs, du nord de la France comme du nord de l’Europe, fuyant l’étau nazi qui se resserrait peu à peu et venant buter sur la ligne de démarcation en tombant dans les griffes des douaniers allemands.

 

Intensité de l’occupation, développement de l’esprit de Résistance, arrestations en nombre : le Chalonnais était prédestiné à fournir à la Déportation des contingents tragiquement nombreux.

 

Mais, au-delà du nombre, ce qui doit continuellement nous frapper, c’est la singularité de chaque tragédie. Ce sont ces individualités de souffrance qui peuvent encore dire l’horreur érigée en système, ces témoignages de peine et de mort qui seuls peuvent ouvrir les consciences des nouvelles générations, lesquelles n’entendront jamais plus résonner la voix des survivants.

 

Ayant eu, comme la plupart d’entre vous, la faveur de côtoyer certains de nos chers anciens revenus de Déportation, je fus particulièrement marqué par mes discussions avec un Chalonnais : Georges Bonjour, des Charreaux, lequel était né en 1917.

 

Résistant arrêté par les Allemands lors de l’attaque du maquis de Maringes, près de Bourbon-Lancy, au matin du 13 janvier 1944, transféré à la prison de Chalon, interrogé à coups de cravache et d’étouffements par la Gestapo en son triste siège de la Grande-Rue Saint-Cosme, mais refusant de dire quoi que ce soit, il fut comme tant d’autres déporté et finit son triste périple au camp de Mauthausen, en Haute-Autriche.

 

C’est là qu’il vit de ses yeux le système destiné à broyer l’humanité.

 

Je lui laisse la parole : « La nourriture était au-dessous du minimum vital. Le matin un quart d’eau noire, faite avec un ersatz mal défini nous servait de café. A midi, une gamelle de soupe (…) âcre, amère, fétide, d’un aspect repoussant (…) composée de feuilles d’orties ou de betteraves fourragères et quelques fois des topinambours, mais jamais de pommes de terre. (…) Le soir, en guise de dîner, 1/8e de boule de pain d’un kilo avec une cuiller de « marmelade », du fromage blanc, savoureux comme du plâtre, ou un succédané de margarine. (…)

Nous souffrions du manque d’hygiène, très peu de douches, pas de savon, pas de serviette pour se sécher (…). Le soir, nous couchions sur des paillasses posées à même le sol, en sardines, tête-bêche, sur le côté et à raison de cinq sur la paillasse. (…)

Chacun de nous devait apprendre son matricule personnel, cousu sur sa veste et son pantalon, afin de pouvoir répondre présent lors des appels. Ici, nous n’avions aucune personnalité, nous n’étions que des numéros. »

 

 

 

Des numéros bons pour du travail de forçat exécuté en commando, sous les hurlements et les coups de matraque des S.S. chargés de surveillés les détenus. C’est là que Georges Bonjour fit la découverte, pour se rendre à une carrière de granit proche du camp, du terrible escalier de Mauthausen, vicieusement composé de 186 marches d’inégale hauteur, qu’il fallait remonter en portant une lourde pierre qui écorchait l’épaule. Un supplice insoutenable, doublé du sadisme des SS. Georges Bonjour le dit : « La carrière de granit avait une profondeur par endroits de 60 à 80 mètres environ (…). Les S.S. avaient inventé un jeu qui les amusait beaucoup, celui des « parachutistes ». Ils prenaient au hasard, dans les rangs ou dans la carrière, deux détenus. Ils leur ordonnaient de se battre au bord de la falaise et, pour être le vainqueur et avoir la vie sauve, il fallait faire chuter l’autre. Mais les S.S. ne tenaient jamais leurs promesses, si bien que le vainqueur était également poussé dans le vide. »

 

Déplacé en avril 1945 au camp d’Ebensee, Georges Bonjour survécut et revint en France le 26 mai 1945. Beaucoup d’entre vous l’ont connu.

 

A l’heure où la guerre rouvre sur l’Europe ses mâchoires de fer, à l’heure où elle broie l’innocence et fait jaillir des flots de sang, soyons plus que jamais convaincus, appuyés sur le témoignage qui ceux qui revinrent de l’Enfer, de notre devoir de transmission.

 

Face aux ténèbres de la haine et de la destruction, c’est un devoir de lumière qu’il nous convient plus que jamais d’assumer ensemble.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives

Nous sommes sociaux !

Articles récents