Article de Monique Heddebaut, Musée de la Résistance de Bondues • Rubrique Mémoire du «Patriote Résistant» n°951 - avril 2020
Le 15 janvier 1944, plus de 300 Tsiganes furent envoyés à Auschwitz-Birkenau dans un sinistre convoi intitulé Z comme Zigeuner («Tsigane » en allemand)…
Le régime de Vichy a assigné à résidence et interné quelque 6 000 à 6 500 Nomades – une catégorie aux contours flous – dans une trentaine de camps créés sur ordre allemand et gérés par les autorités françaises. Or, les Nomades et Tsiganes du Nord de la France et de la Belgique ont connu un destin différent et tragique, en raison d’un statut territorial particulier. Les deux départements du Nord-Pas-de-Calais ont en effet été rattachés au commandement militaire allemand en Belgique et dans le Nord de la France, communément appelé : « Zone rattachée à Bruxelles ». Ce territoire était considéré comme appartenant aux marches germaniques occidentales du Reich. L’enjeu d’un tel découpage émanait d’une décision personnelle d’Hitler, avant même la signature de l’Armistice le 22 juin 1940, pour des raisons stratégiques, économiques et militaires. Cette décision correspondait également à la vision nazie d’une « Europe nouvelle ». C’est ainsi que des hommes, femmes et enfants se sont retrouvés pris au piège des politiques nationales, des législations discriminatoires antérieures à l’invasion de mai 1940 et de l’idéologie nazie et eugéniste en Europe, car vivant sous un régime d’exception et d’exclusion, en raison de leur mode de vie et de leur mobilité assimilés à la délinquance et à « l’asociabilité ».
Le régime de Vichy a assigné à résidence et interné quelque 6 000 à 6 500 Nomades – une catégorie aux contours flous – dans une trentaine de camps créés sur ordre allemand et gérés par les autorités françaises. Or, les Nomades et Tsiganes du Nord de la France et de la Belgique ont connu un destin différent et tragique, en raison d’un statut territorial particulier. Les deux départements du Nord-Pas-de-Calais ont en effet été rattachés au commandement militaire allemand en Belgique et dans le Nord de la France, communément appelé : « Zone rattachée à Bruxelles ». Ce territoire était considéré comme appartenant aux marches germaniques occidentales du Reich. L’enjeu d’un tel découpage émanait d’une décision personnelle d’Hitler, avant même la signature de l’Armistice le 22 juin 1940, pour des raisons stratégiques, économiques et militaires. Cette décision correspondait également à la vision nazie d’une « Europe nouvelle ». C’est ainsi que des hommes, femmes et enfants se sont retrouvés pris au piège des politiques nationales, des législations discriminatoires antérieures à l’invasion de mai 1940 et de l’idéologie nazie et eugéniste en Europe, car vivant sous un régime d’exception et d’exclusion, en raison de leur mode de vie et de leur mobilité assimilés à la délinquance et à « l’asociabilité ».
Vers un Reich zigeunerfrei (débarrassé des Tsiganes)
Dès le 8 décembre 1938, Himmler avait publié un décret pour la lutte contre « l’infestation tsigane », préparant ainsi l’élimination de cette catégorie de la population. Le décret d’Auschwitz du 16 décembre 1942 et le texte du 29 janvier 1943 donnèrent alors le signal de leur déportation de masse dans un camp de concentration « pour une action de quelques semaines » à partir du 1er mars 1943 et devant être achevée à la fin du même mois. Ils arrivèrent le 26 février 1943 à Birkenau parqués dans trente-deux baraques encore en construction, dans cette partie du camp qui leur était dévolue.
L’ordre fut élargi le 29 mars 1943 aux Tsiganes du Nord de la France, de la Belgique et des Pays-Bas. Les rafles commencèrent à l'automne 1943, sur ordre de la police de sécurité, la Sipo-SD, avec l’aide de la Kripo, la police criminelle, qui avait établi les listes, de la Feldgendarmerie et des polices locales. Les premières arrestations eurent lieu à Tournai, en Belgique. Roubaix fut la ville la plus touchée avec 65 arrestations. Ils sont transférés à Malines, une ville flamande entre Anvers et Bruxelles, dans une caserne transformée en camp de rassemblement : ce centre est l’équivalent de Drancy pour la Zone occupée. Ils sont parqués dans des conditions indignes. Et 352 Tsiganes forment alors un unique convoi, le convoi Z (pour Zigeuner) qui part le 15 janvier 1944. (1)
Aux Pays-Bas, l’ordre de déportation est daté du 29 mars 1943. Là aussi, un unique convoi parti du camp de Westerbork au nord des Pays-Bas, a démarré le 19 mai 1944 avec 245 Tsiganes à bord, quatre mois plus tard. Ce fut l’un des derniers transports de ce type vers la Pologne.
Dès le 8 décembre 1938, Himmler avait publié un décret pour la lutte contre « l’infestation tsigane », préparant ainsi l’élimination de cette catégorie de la population. Le décret d’Auschwitz du 16 décembre 1942 et le texte du 29 janvier 1943 donnèrent alors le signal de leur déportation de masse dans un camp de concentration « pour une action de quelques semaines » à partir du 1er mars 1943 et devant être achevée à la fin du même mois. Ils arrivèrent le 26 février 1943 à Birkenau parqués dans trente-deux baraques encore en construction, dans cette partie du camp qui leur était dévolue.
L’ordre fut élargi le 29 mars 1943 aux Tsiganes du Nord de la France, de la Belgique et des Pays-Bas. Les rafles commencèrent à l'automne 1943, sur ordre de la police de sécurité, la Sipo-SD, avec l’aide de la Kripo, la police criminelle, qui avait établi les listes, de la Feldgendarmerie et des polices locales. Les premières arrestations eurent lieu à Tournai, en Belgique. Roubaix fut la ville la plus touchée avec 65 arrestations. Ils sont transférés à Malines, une ville flamande entre Anvers et Bruxelles, dans une caserne transformée en camp de rassemblement : ce centre est l’équivalent de Drancy pour la Zone occupée. Ils sont parqués dans des conditions indignes. Et 352 Tsiganes forment alors un unique convoi, le convoi Z (pour Zigeuner) qui part le 15 janvier 1944. (1)
Aux Pays-Bas, l’ordre de déportation est daté du 29 mars 1943. Là aussi, un unique convoi parti du camp de Westerbork au nord des Pays-Bas, a démarré le 19 mai 1944 avec 245 Tsiganes à bord, quatre mois plus tard. Ce fut l’un des derniers transports de ce type vers la Pologne.
Birkenau, l’épicentre de la mort industrielle
Ils sont enregistrés et tatoués à leur arrivée par un numéro précédé d’un Z, sans faire l’objet d’une sélection à leur arrivée, à la différence des Juifs. Ils n’entrent pas dans le programme de la mort immédiate, en raison des hésitations et des incohérences doctrinales des nazis en matière de « race aryenne » et de « métissage » tsigane. Ils pénètrent en revanche, dans un véritable mouroir, dans le camp de la mort lente, victimes du froid, de la faim, des maladies, des épidémies, du manque de soins et des sévices. Ces conditions d'existence ont pour objectif la sélection, le tri entre les faibles et ceux qui révèlent une adaptabilité à la vie concentrationnaire. Entre janvier et mars 1944, la moitié du convoi Z meurt en moins de trois mois.
Passé le cap fatidique de ces trois mois d’adaptabilité, les plus résistants sont sélectionnés en fonction des besoins internes des camps et de l’industrie allemande. Les hommes jugés aptes transitent par Buchenwald, les femmes par Ravensbrück pour être affectés dans des camps extérieurs ou des Kommandos de travail : Dora, Ellrich, Ohrdruf, Flossenbürg, Schlieben, Altenburg, Taucha… œuvrant essentiellement à la production de matériel de guerre.
Mais Birkenau est également l’épicentre de la mort industrielle pour les Tsiganes. Le camp des familles dont la liquidation était programmée au printemps 1944, est vidé de ses occupants : ils sont gazés dans la nuit du 2 août 1944. Un tiers du convoi Z a péri lors de cette journée tragique où près de 3 000 Tsiganes ont disparu.
Condamnés à la mort lente, puis à l’extermination industrielle, ils l’ont également été au travers de leur descendance. Les femmes et les fillettes dès onze ans sont systématiquement stérilisées à leur arrivée à Birkenau, sous la conduite de l’un de ses médecins les plus connus, Josef Mengele. Il s’agit là d’un « génocide différé » pour les historiens Marie-Christine Hubert et Emmanuel Filhol.
Sur les 352 Tsiganes du convoi Z, seuls 68 ont quitté Auschwitz pour être dirigés vers des camps de travail entre avril et août 1944. Mais seuls 32 étaient encore en vie à la Libération, soit moins de 10 %. (…)
Ils sont enregistrés et tatoués à leur arrivée par un numéro précédé d’un Z, sans faire l’objet d’une sélection à leur arrivée, à la différence des Juifs. Ils n’entrent pas dans le programme de la mort immédiate, en raison des hésitations et des incohérences doctrinales des nazis en matière de « race aryenne » et de « métissage » tsigane. Ils pénètrent en revanche, dans un véritable mouroir, dans le camp de la mort lente, victimes du froid, de la faim, des maladies, des épidémies, du manque de soins et des sévices. Ces conditions d'existence ont pour objectif la sélection, le tri entre les faibles et ceux qui révèlent une adaptabilité à la vie concentrationnaire. Entre janvier et mars 1944, la moitié du convoi Z meurt en moins de trois mois.
Passé le cap fatidique de ces trois mois d’adaptabilité, les plus résistants sont sélectionnés en fonction des besoins internes des camps et de l’industrie allemande. Les hommes jugés aptes transitent par Buchenwald, les femmes par Ravensbrück pour être affectés dans des camps extérieurs ou des Kommandos de travail : Dora, Ellrich, Ohrdruf, Flossenbürg, Schlieben, Altenburg, Taucha… œuvrant essentiellement à la production de matériel de guerre.
Mais Birkenau est également l’épicentre de la mort industrielle pour les Tsiganes. Le camp des familles dont la liquidation était programmée au printemps 1944, est vidé de ses occupants : ils sont gazés dans la nuit du 2 août 1944. Un tiers du convoi Z a péri lors de cette journée tragique où près de 3 000 Tsiganes ont disparu.
Condamnés à la mort lente, puis à l’extermination industrielle, ils l’ont également été au travers de leur descendance. Les femmes et les fillettes dès onze ans sont systématiquement stérilisées à leur arrivée à Birkenau, sous la conduite de l’un de ses médecins les plus connus, Josef Mengele. Il s’agit là d’un « génocide différé » pour les historiens Marie-Christine Hubert et Emmanuel Filhol.
Sur les 352 Tsiganes du convoi Z, seuls 68 ont quitté Auschwitz pour être dirigés vers des camps de travail entre avril et août 1944. Mais seuls 32 étaient encore en vie à la Libération, soit moins de 10 %. (…)
(1) Monique Heddebaut, Des Tsiganes vers Auschwitz – Le convoi Z du 15 janvier 1944, Éd. Tirésias-Michel Reynaud, 2018, 354 pages.
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