« Faut-il montrer la haine antisémite ? Cette question, c’est Rudolf Hess qui se la pose au début de l’année 1936. Le 29 janvier, il y a exactement 82 ans, il adresse une circulaire à l’ensemble des gauleiters (les responsables du parti nazi à l’échelon local) d’Allemagne. Il les met en garde à propos des affiches anti-juives placardées dans les cantons, les communes, les lieux publics, expliquant combien les affiches de « mauvais goût » faussent l’image que les étrangers, visitant l’Allemagne, pourraient se faire du pays. Pour ce proche d’Hitler, le touriste étranger partage l’antisémitisme des nazis, mais il serait heurté par le caractère outrancier et excessif de certains placards, qu’il faudrait expurger de tout commentaire haineux ou menaçant ».
Ce texte de Guillaume Doizy, historien de la caricature, est extrait du catalogue de l’exposition « Dessins assassins, ou la corrosion antisémite en Europe – 1886-1945 », actuellement installée au Mémorial de Caen jusqu’au 25 février. Une exposition conçue par Stéphane Grimaldi, directeur du Mémorial, et qui réunit une collection aussi exceptionnelle que nauséabonde, d’affiches et de caricatures antisémites de l’entre-deux guerres, provenant de divers pays européens. C’est Arthur Langerman, né en 1942 à Anvers et dont la famille fut déportée en mars 1944 à Auschwitz, qui a réuni ces pièces. Comme beaucoup de ses contemporains, il prend la mesure de l’horreur de la Shoah en 1961, avec le procès Eichmann. C’est à partir de ce moment qu’il rassemble un fonds de plus de 7000 documents, affiches, journaux ou objets antisémites
Dans son étude intitulée « Montrer, voir et comprendre l’image antisémite », Guillaume Doizy poursuit et s’interroge. « Faut-il montrer l’image antisémite ? Même le dirigeant nazi (Rudolf Hess) s’interroge sur les conséquences de cet antisémitisme visuel, bien plus brutal que la rhétorique portée par les mots. Certes, les nazis au pouvoir adaptent leur stratégie en fonction des circonstan