« La mort ». Il arrive à tout le monde d’y penser, que ce soit pour soi même, ou pour les siens. Disons le de suite, au Cercle Jean Moulin la plupart d’entre nous sont libres-penseurs, athées et quelques-uns agnostiques. Après la vie ? Désolé de vous le dire ainsi : « bah rien ». Le corps n’est qu’un assemblage subtile et quand la mécanique se grippe, la physiologie du corps part en quenouille et puis c’est la fin, la mort, les yeux se ferment ; la famille, les amis, les proches, les hypocrites pleurent, les ennemis se félicitent.
Cela fait 3 soirs que je regarde « Destination finale » le 1, le 2 & le 3 (il y en a 5). Lez scénario est toujours le même. Des jeunes qui échappent à la mort par accident grâce aux visions de l’un d’entre eux. Mécontente, la mort les poursuit et tous meurent dans d’atroces souffrances avec des effets spéciaux surréalistes.
Dans ma vie, j’ai souvent pensé à ma mort, j’en ai eu la plupart du temps une vision romantique, et selon les périodes je mourrais Résistant, dans une opération extérieure comme membre des troupes aéroportées, tombant sous le feu de gangster au cours d’un braquage. Il est certain que passer l’arme à gauche aujourd’hui au volant d’un taxi serait beaucoup exaltant ; mais bon, on ne choisit pas l’heure où la grande faucheuse vient nous chercher.
Je l’ai rencontré une fois en décembre 98, mais elle a décidé de me relâcher, ce fut une expérience bizarre. J’ai effectivement vu quelque chose l’espace d’un instant mais quoi ?… Puis je l’ai frôlée par deux fois, mais il faut croire que ce n’était encore pas le moment. Avec ces expériences, bien avant l’heure du coup, on pense à sa propre inhumation. De mon côté, je sais depuis longtemps ce que je veux.
A 20 ans, on se dit qu’on n’a pas peur de la mort, on se croit immortel ; mais quand l’accident arrive, on réfléchit. Plus tard, le corps s’affaiblissant inexorablement, on réfléchit. On a beau se mentir et se dire qu’on met toujours une tôle aux gosses, sur un tatami par exemple, ce n’est que l’expérience face à la force brute qui joue, mais ne nous leurrons pas : la récupération est beaucoup plus longue, et le lendemain les crampes et les courbatures sont bien présentes.
Ce qui fait le plus peur en fait, surtout quand on a déjà croisé la vieille dame, c’est la déchéance. De par mon métier, tous les jours je vais dans des maisons de retraite et j’y vois des personnes grabataires qui se bavent dessus, dont on sait qu’on leur change les couches et qu’on les nourrit comme des enfants. Il existe des mouroirs où règne l’hypocrisie légale ; les patients y donnent leur dernier soupir entre 1h30 et 5h00 du matin. Ma grand-mère fut de ceux-ci après une trop longue et invalidante maladie. Certains, et c’est là le plus dur, se voient dans cet état et ont toute leur tête.
Alors se pose une question, alors une question me vient à l’esprit : si la grande dame me prête vie quelques années encore, aurais-je la force, le courage d’en finir moi-même, ou aurais-je suffisamment de conscience pour demander au personnel médical d’en finir ? Car d’ici là aucun doute pour moi que la mort assistée pour tous aura enfin été légalisée...