Alors que l'on s'approche de la publication du Livre blanc puis de la loi de programmation militaire, c'est-à-dire de décisions capitales et potentiellement irréversibles pour ladéfense française, des vérités méritent d'être rappelées.
Les armées ne sont pas le problème : elles ont su s'adapter à la fin de la guerre froide, réduire leur taille, devenir "expéditionnaires" et opérationnelles, qu'il s'agisse d'évacuer nos ressortissants, de maintenir la paix dans des zones troublées, de combattre des groupes terroristes ou des régimes dangereux comme celui de Milosevic en ex-Yougoslavie, de préserver notre influence et donc au final notre indépendance, tout en continuant àpatrouiller dans nos gares et parfois aussi à nettoyer nos plages.On peut avoir été critique de telle ou telle intervention, mais on ne peut mettre en doute la réussite de la professionnalisation décidée en 1996 ni l'efficacité en opérations de nos armées.La défense n'est pas le problème : hors pensions, le budget des armées s'élève aujourd'hui à 32 milliards d'euros, soit 10 % du budget de l'Etat. Ce montant est resté sensiblement le même en euros constants depuis 1995, tandis que le poids relatif de la défense dans la dépense publique n'a cessé de baisser.Il est vrai qu'avec un endettement de 1 800 milliards d'euros, soit l'équivalent de 90 % du PIB, l'indépendance de la France est menacée presque aussi sûrement que par une agression militaire extérieure.Et il semble donc logique que la défense contribue, comme les autres postes de la dépense publique, au desserrement de la contrainte budgétaire.
Sauf que les budgets des armées ont déjà servi, et même systématiquement (1995, 1997, 2008), de variable d'ajustement budgétaire au cours des vingt dernières années, alors même que la situation était beaucoup moins tendue qu'aujourd'hui.Contrairement aux autres ministères, celui de la défense a subi d'importantes réductions d'effectifs (54 000 postes supprimés entre 2008 et 2015), a dû apprendre à fonctionner à budget constant et s'est comporté en bon élève discipliné, là où d'autres corps de l'Etat jouaient à chaque fois des grèves et des menaces.Eviscérer le budget de la défense, par exemple en le laissant dériver au gré de l'inflation sur cinq ans, reviendra à l'amputer de 4 milliards ou plus. Cela peut sembler assez peu rapporté à la somme totale, mais c'est oublier l'inertie des dépenses déjà engagées, les effets de seuil et le fait que ces coupes se concentreront en priorité sur les investissements.En apparence modéré, un tel "ajustement" débouchera sur un véritable jeu de massacre pour les capacités militaires et l'industrie de défense, mais représentera bien peu au regard de notre dette nationale ou même de la dépense de l'Etat.Qu'on en juge : la défense n'est que le troisième poste budgétaire de l'Etat, derrière l'éducation et la dotation aux collectivités locales, et le cinquième si l'on inclut le paiement des intérêts de la dette (bientôt