Que reste-t-il, en effet, de la fameuse « exception française » ? Dans les années 1960, la politique arabe de Paris l’avait distinguée des autres capitales. Sans prendre plus avant ici position
sur le fond, la France se situait ainsi au Proche-Orient dans une logique d’indépendance par rapport à l’atlantisme dominant en Europe. Et même si la « françafrique » posait et pose toujours des
interrogations graves en matière de droits de l’homme en plaçant Paris au côté de régimes dictatoriaux, la France tente plus ou moins adroitement de s’exprimer dans cette zone.
Que dire par ailleurs de la fameuse « troisième voie » que Paris voulait incarner entre l’Est et l’Ouest, à l’époque les Etats-Unis et l’Union soviétique ? En retournant dans le commandement
militaire intégré de l’Alliance atlantique en 2009, Paris perd toute chance de représenter un recours dans un monde sous tensions. La France lie son sort à celui d’un Occident auquel elle ne
s’est jamais totalement identifiée. Suivant en outre les obsessions allemandes et polonaises, elle contribue à l’ostracisme vis-à-vis de la Russie, puissance pourtant nécessaire – qu’on le
veuille ou non – aux équilibres continentaux. Et n’est-ce pas le rêve séculier des Etats-Unis que de voir l’Europe se couper de son flanc Est pour mieux rester dans un face à face réducteur et
étouffant avec eux ?
Aujourd’hui, après le passage de Nicolas Sarkozy et avec la récente nomination de M. Laurent Fabius au Quai d’Orsay, la politique étrangère nationale suit, sans la moindre originalité, celle des
Etats-Unis et de l’Union européenne. Depuis trente ans, sur tous les grands dossiers, la France se banalise avec une obstination presque maladive. Dans la crise yougoslave des années 1990, elle a
vite abandonné ses tentatives de maintenir l’unité de la Yougoslavie pour suivre l’Allemagne qui, en reconnaissant unilatéralement l’indépendance de la Croatie et de la Slovénie, sonnait le glas
d'une paix déjà fragile. En suivant Washington dans la douteuse guerre du Kosovo en 1999, elle participait à attiser les braises, jamais bien éteintes dans cette région, des nationalismes
meurtriers.
L’Union européenne, dont les traités affirment pourtant respecter les identités nationales, constitue un puissant moteur de banalisation pour un État qui n’ose plus défendre ses valeurs. Une
timidité que n’habite pas, par exemple les Allemands ou les Anglais. Ainsi, en 2000, la France avait-elle refusé de céder aux pressions de Varsovie qui voulait que « l’héritage
religieux » de l’Europe soit inscrit dans la Charte européenne des droits fondamentaux. Au nom de la laïcité, le président Chirac avait imposé une référence plus neutre au « patrimoine
spirituel et moral » du Vieux Continent. En 2008, le président Nicolas Sarkozy y renonça et le traité de Lisbonne reprend désormais la fo
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